Mickaël, 23 ans, agent de sécurité @ Palais Brogniart

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Après un parcours scolaire un peu difficile, Mickaël a décidé de se lancer dans une formation agent de sécurité. Pour ses lieux de formation et de travail, il n’y a pas à dire, il aurait pu mal tombé mais non, c’est d’abord au château de Fontainebleau qu’il a atterri pour finir à ce magnifique bâtiment qu’est le Palais Brogniart, anciennement la Bourse de Paris. Ce qui lui plaît en travaillant ici, c’est l’ambiance qui existe avec les collègues mais surtout l’histoire du lieu «en fait ce que j’aime c’est tout ce qui touche à Napoléon. J’ai fait des recherches quand j’ai su que j’allais être muter ici et quand j’ai vu que c’était Napoléon qui l’avait construit, ça m’a plu. J’ai appris à connaître les salles avec mes supérieurs, ils m’ont raconté une petite partie du palais et je me suis enrichi ensuite en lisant les descriptions dans les salles». En parcourant le palais, des vestiges de cet ancien temps subsiste comme l’espace Corbeille, qui est une reconstitution des cotations à la criée comprenant le tableau noir des cotations, une cloche, des boxs et la célèbre corbeille au centre, cendrier géant rempli de sable d’un mètre de hauteur.  Aujourd’hui, le Palais sert surtout à des évènements mais il accueille aussi l’école en informatique de Xavier Niel dans les étages supérieurs.

La plupart du temps, c’est assez calme mais parfois on peut assister à des scènes assez dramatiques comme des tentatives de suicide pour la symbolique du lieu comme repère du capitalisme. A part cela, les autres urgences à gérer c’est des chevilles cassées ou des malaises auxquels les agents sont formés pour intervenir rapidement en attendant les secours. C’est le genre d’incidents qui arrivent principalement lorsque des soirées sont organisées et que le bar est un peu trop généreux avec ses invités… C’est un poste qui implique au final beaucoup de responsabilités et Mickaël en a bien conscience, en cas de gros problème, c’est la prison qu’il risque «à la moindre bavure c’est la prison, c’est juste pour dire l’importance de notre métier. Si on ne voit pas quelqu’un, c’est de notre faute et s’il détériore quelque part c’est aussi de notre faute. On doit vraiment voir tout ce qu’il se passe». Si ça «bip», même si la plupart du temps ce sont des fausses alertes (un pigeon, un phare de voiture,…), pas question de ne pas regarder.

Mickaël habite à Melun avec ses parents, finalement il ne vient à Paris que pour le travail et quelques virées shopping sur les champs Elysées ou à Châtelet. Il connaît assez mal la ville mais ne semble pas vouloir en connaître d’avantage, pour lui, il y a les quartiers chics qu’il apprécie et les «bidonvilles» comme le quartier de Belleville… Habiter sur Paris, ça ne lui vient même pas à l’esprit ; y travailler, c’est amplement suffisant pour lui. Entre autre, ce qu’il a en horreur, c’est de prendre les transports en commun en heure de pointe ; il préfère partir deux heures en avance pour éviter l’affluence que de se retrouver dans un train bondé. Heureusement pour lui, son travail avec ses horaires décalés, lui permet la plupart du temps de les éviter, mais malheureusement il ne peut pas échapper aux grèves.

De toute façon, pour lui sa vie à Paris (enfin Melun), c’est du temporaire. Il rêve de descendre dans le Sud du côté de Perpignan, là où il y a du soleil, la mer et où les gens sont aimables, à comprendre pas comme les parisiens «tout ce qui est alentour de Perpignan, c’est magnifique, c’est la tranquillité, le respect des gens, ici on te bouscule, on ne te dit même pas pardon!». Tout ça, c’est pour bientôt assurément, dès qu’il aura mis suffisamment d’argent de côté, histoire d’avoir un bon apport pour acheter un appartement et s’installer définitivement là-bas.

En attendant, la vie près de Paris ne lui déplaît pas non plus, il a surtout envie de se faire une bonne expérience professionnelle d’abord et puis le hic, c’est que Mickaël est un peu dépensier, notamment pour sa passion qui est la pêche. Sa première canne, il a tenu à l’âge de deux ans et de 14 ans à 18 ans, il a même fait parti de l’équipe de France à parcourir les quatre coins du pays pour des concours. Les vers de terre, l’aspect gluant des poissons, aucun problème pour lui ! Et, c’est avec un regard amusé et un peu moqueur qu’il m’apprend que l’amorce que j’avais tenu dans mes mains, à peine une semaine auparavant lors de ma première initiation à la pêche, et dont j’avais trouvé l’odeur particulièrement agréable (et à deux doigts d’y goûter), n’était autre qu’une composition probablement à base de fiente de pigeon. Ville : 1 ; campagne : 0.

Katie, 20 ans, à la laverie @ autour de la rue des Petits-Carreaux

Le temps d’une machine à laver, Katie a accepté de se prêter au jeu de mes questions. Un peu timide et du coup pas très bavarde, Katie n’en était pas moins souriante.

Donc voilà, Katie est australienne, là bas elle étudie le droit, elle passe en deuxième année. Elle était en vacances quelques semaines à Paris pour le ‘Summer Break’ pour rendre visite à une amie qui habite la ville à présent. Avec son amie, elles ont été ensemble à l’école dans une petite ville de banlieue à côté de Sydney ayant la grande chance d’être située à quelques pas de la plage. Du coup pour elle, Paris c’est très différent de ce qu’elle connait là bas, une grande ville qui grouille avec beaucoup de monde et d’activité. En fait, Katie n’aime pas vraiment les grandes villes que ce soit Sydney ou Paris. C’est bien pour un temps mais pas plus. Ce qu’elle aime par dessous tout c’est «ma famille, mes amis, ma maison». Même si elle est un peu triste de partir et qu’elle serait bien rester un peu plus longtemps, elle est quand même très contente de retrouver sa vie normale en Australie.

Ce qui est sûr, c’est qu’elle repart de Paris avec de très bons souvenirs. Elle a adoré les cafés, les restaurants, les petites rues, le Marais et le jardin des Tuileries. Son meilleur souvenir, c’était la fête de la musique. Avec sa copine, elles se sont pas mal baladées, notamment du côté de Bastille et de Pompidou. Par contre, il ne faut surtout pas lui parler du métro, elle le déteste «trop de monde, il fait chaud et ça pue». Et le problème, c’est qu’il n’a pas vraiment fait beau durant son séjour, du coup, le métro elle a bien été obligée de le prendre à contre coeur. Impossible de se balader pendant des heures et il faut bien rejoindre les points touristique.

Les parisiens, elle les a trouvé stressés, un peu trop formels et pas vraiment souriants voire carrément impolis par moment. Enfin, pour l’impolitesse, c’est surtout son expérience du métro qui le lui a donné «dans le métro, ils vous poussent, ils vous bousculent et ne s’excusent jamais». En positif, elle trouve les parisiens plus élégants que les australiens. Quant aux petits français, exotisme oblige, ils sont plus attirants que les australiens mais elle n’en a pas vraiment rencontré non plus. Ils ont l’air sympa, point. Bouh ! Moi qui espérait qu’elle me raconte une torride-romantique histoire de vacances… Toutes les conditions étaient réunies pourtant : une fille, étrangère, plutôt jolie, de 20 ans, dans un appart, avec une copine, en plein centre de Paris, sans parents, dans la ville de l’amour, mais que fait la jeunesse ?

Ivan, 49 ans, artisan ébéniste @ passage du Bourg-l’Abbé

Dans son atelier, Ivan y est pratiquement né. Cet atelier «c’est une belle histoire, une histoire qui date de plus de plus de 60 ans». C’était celui dans lequel son père exerçait en tant que décorateur-ensemblier, lui l’a repris ensuite et y a apporté l’ébénisterie. C’est sa mère qui l’avait trouvé dans ce passage qui à l’époque ne payait pas de mine. C’était l’époque des Halles du pavillon Baltard. Un autre Paris pour Ivan  qui a donc vu évoluer ce quartier «là où les halles était à le berceau de Paris, le poumon de la ville avant qu’il y est Rungis dans les années 70, là où les grossistes allaient s’approvisionner, là où les parisiens venaient s’approvisionner en nourriture, viandes, poissons, fleurs, légumes et autres. Notre génération on a grandit avec les halles, je connaitrai trois générations des halles : les halles des pavillons Baltard, celle qu’on connait actuellement depuis plus de 30 ans qui n’était pas une réussite mirobolante, et celle qui va arriver avec la Canopée, qui sera plus moderne, plus contemporaine». 

Ivan aime toujours Paris, flâner, lever la tête, regarder les immeubles, découvrir les innombrables ruelles de Paris, retrouver les lieux où on été tournés les grands films des années 60,… il se définit même comme un «titi parisien mais de parents étrangers, mon père venait d’Italie et ma mère était autrichienne, ils sont arrivés dans les années 50» ; mais il est un peu nostalgique de l’époque de son enfance «rue des Petits-Carreaux en 68, avant ce n’était pas piéton, c’était les halles, il y avait toujours des camions dans la rue, ça bouillonnait, c’était grandiose, une vie jour et nuit. Quand j’étais enfant, je voyais les camions, je prenais mon petit vélo bleu pour aller voir les copains, y avait des cagots partout, j’allais chercher les invendus de fruits et légumes». Un de ses meilleurs souvenirs, ça date de cette époque d’ailleurs «avec les copains, on se donnait rendez-vous dans la Samaritaine parce qu’à l’époque dans les toilettes il y a avait des distributeurs de sirop à la menthe gratuite, on prenait les gobelets, on prenait de la menthe et on mettait de l’eau du robinet. Ensuite on prenait nos gobelets et on allait sur la terrasse là où il y avait le restaurant avec une vue sur la seine. C’était notre terrain de jeux, c’était notre open bar !»

Aujourd’hui, il trouve Paris un peu trop «aseptisé», selon lui, les commerces de proximité, à cause des baux trop chers pour être repris par des petits commerçants, se transforment les uns après les autres en magasins de vêtement, au moindre bruit les voisins appellent la police, chacun est dans son coin avec son téléphone portable et ne parle plus à personne,… Au moment où il a commencé, ils étaient sept artisans ébénistes dans le quartier, maintenant il en reste trois ou quatre tout au plus dans Paris. Mais voilà, Paris a toujours été Paris et Paris reste Paris, là où tout se fait, tout se joue. C’est à chacun de trouver son bonheur ici car pour lui Paris est un «joyau» mais  «Paris est un pute» aussi « Paris bonheur, Paris la joie, Paris on en croque, Paris il faut vivre, Paris la chance. Beaucoup de gens sont montés à Paris pour y travailler rencontrer surement leur amoureuse, on y trouve son âme sœur, on y trouve du travail, donc tout ça en un mot : la chance. Paris donnera la chance, mais il faut aussi la provoquer et il faut aussi y laisser ses traces. Paris ne fera pas de cadeau car il y a du monde derrière qui veut aussi une place. Les places sont chères, il faut se battre».

Ivan restera donc à Paris, pour lui d’une part, car son atelier est ici, ses clients sont ici, et pour son fils d’autre part «j’ai envie de que mon fiston  grandisse à Paris, qu’il se fasse à la vie parisienne les copains, l’école qu’il se débrouille qu’il ne se sente pas renfermé à la campagne en pensant avoir manqué quelque chose, pour l’instant ça se passe à Paris». Et puis il croit en un «retour aux sources»,  un changement sociétal, une prise de conscience, un besoin d’un retour aux choses d’hier «les gens en auront marre du progrès, ils vont revenir à de la proximité, besoin de retrouver l’ambiance des bars, des bals musettes,… il y a de plus en plus de bars avec un esprit ancien. Quand on découvre dans un film, ou dans un vieux magazine une ambiance, on veut découvrir cette ambiance qu’on n’a pas connu, et vouloir la retrouver dans un bar, quelque part».